Recherches ludiques XVI
Février 2024
I Cas célèbres : soyez responsable, n’accusez personne…
Le lendemain de la tuerie dans la grande mosquée de Québec, le 29 janvier 2017, le sermon de l’imam Hassan Guillet a fait le tour du monde. « Il y a encore une victime dont on n’a pas parlé, a dit l’imam Guillet. Et cette victime, reprend-il, s’appelle Alexandre Bissonnette », c’est-à-dire l’auteur de la tuerie. Qui est responsable? demande Hassan Guillet, Nous tous! répond-il. (Cf. Alain Crevier, de Second regard, publié le 19 janvier 2018, Radio-Canada)
Certains ont été choqués, d’autres ont loué les paroles de l’imam, qui a poursuivi : « Je me suis dit : “Mais qui es-tu, toi, Hassan Guillet, pour venir faire la morale à ces gens-là? Mets-toi à leur place”. Justement, je me suis mis à leur place. Je me suis dit : “Non, il faut que la vérité sorte”. La responsabilité est très grave sur nos épaules à nous tous. »
Cette réflexion éthique de l’imam Hassan Guillet met le doigt sur un paradoxe de la pensée éthique. Il laisse entendre que l’auteur de la tuerie Alexandre Bissonnette n’avait pas réellement l’intention de faire le mal, mais qu’il a été trompé par le contexte sociopolitique.
Pourquoi donc les attitudes de cet imam ou d’autres comme lui, ne sont-elles pas plus reconnues et mises en lumière? Il y en a sûrement bien d’autres cas dans le monde, en islam ou ailleurs.
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Le dalaï-lama Tenzin Gyatso Le dalaï-lama actuel, Tenzin Gyatso, présente lui aussi cette honnêteté de reconnaître que les siens, c’est-à-dire les Tibétains, ont une part de responsabilité dans le conflit qui les oppose au gouvernement chinois. Il a eu raison de dire que les Chinois n’ont qu’une responsabilité partielle (Dalaï-Lama, Guérir la violence, 1998; Healing Anger, 1997). Il dit sans ironie qu’il est « reconnaissant » aux Chinois parce qu’ils exercent sa patience et sa tolérance » (traduction en français, Susanne Sinet et Christian Bruyat). |
Ce type de paradoxe éthique chez certaines autorités religieuses renvoie à tout un ensemble de faits aussi déconcertants en ce qui concerne la morale.
Le génocide créateur!
Un exemple extrême et paradoxal de génocide est celui de l’Inquisition. Issue du catholicisme, elle a été fondée au XIIe siècle par la papauté contre ce qu’elle appelait l’hérésie. L’Inquisition a ainsi déclenché une guerre d’extermination contre les Cathares. Les croisés ont massacré tous les habitants de Béziers, y compris les catholiques. Le légat du pape avait ordonné : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. » Un pays comme la France s’est en partie constitué dans et par les génocides ou les massacres de plus ou moins grandes échelles. Ainsi, grâce à la croisade albigeoise, le nord et le sud de la France ont pu être unis. Comment qualifier ce type particulièrement sanglant de génocide qui aura rendu possible non seulement la France mais aussi, ailleurs, un grand nombre d’autres pays comme les États-Unis et plusieurs autres? On reconnaîtra peut-être que le jeu en valait la chandelle?
Le crime d’insensibilité?
D’après les chercheurs, les mentalités et les sensibilités s’apprennent et, avec le temps, se transforment en profondeur. Elles vont de pair avec des systèmes de représentations collectives prévalant à une époque. On est peut-être encore loin de l’échéance des changements profonds de sensibilité, ce qui signifie que beaucoup de nos comportements ou attitudes actuelles seront vus comme des « crimes ordinaires » qui passeront au futur comme… d’anciennes mœurs !
Rappel : Un texte à ce sujet est récemment paru dans l’Agorathèque en 2018 (cf. le projet Respect) sous le titre de Nos crimes ordinaires.
Une autre sorte de combat contre le crime
Paradoxe : Il importe de protéger les agents violents contre ceux qui leur en veulent ou contre eux-mêmes. À la limite, l’usage de la force contre eux devrait être envisagé, soit pour porter secours à leurs éventuelles victimes, soit pour les défendre contre eux-mêmes, comme le suggèrent de nos jours bruyamment les cas d’Israël, de la Russie et des États-Unis.
La critique des paradoxes suscitera, entre autres, des conduites d’un nouveau type. En cas de préjudice causé par un humain ou son groupe à un ou plusieurs autres humains avec ou sans leurs groupes, on le considère avec autant de pondération que si ce préjudice avait une cause naturelle et on secourt la ou les victimes, mais avec le souci supplémentaire que ceux qui l’ont commis se trouvent menacés par la suite, en plus d’être susceptibles de vouloir recommencer et qu’un cycle de violence soit enclenché.
Le délit de criminalisation?
On se posera une question troublante : et si nos crimes ordinaires se ramenaient paradoxalement tous au même : le fait d’employer le mot crime plutôt que ceux d’indifférence, d’ignorance, de faiblesse ou d’erreurs ? … À sa limite logique, la criminalisation deviendra elle-même un délit, ce qui rendra la notion de crime intenable. C’est peut-être pourquoi on préférera parler par exemple d’inconscience, d’anciennes mœurs violentes ou, plus généralement, de lacunes de la formation personnelle ou culturelle. L’intention étatique de conquête ou de préservation du territoire est par exemple un mélange explosif, entre autres, d’ignorance, d’accusations belliqueuses et d’insensibilité.
Comprendre les intentions réelles
Lorsqu’il s’agit de comprendre les actes d’un enfant ou d’un adulte, comprendre son intention réelle sera essentiel au plein respect qu’on lui porte. L’enfant apprendra à louer ou à blâmer les autres d’après le fait que ceux-ci agissent selon leurs intentions et il apprendra peu à peu à distinguer les intentions de fond des intentions secondaires. Ainsi, lorsque sa mère pose des gestes pour lui, il doit apprendre que, quoi qu’il lui en coûte, elle a l’intention de le faire pour son bien à lui. Avant d’y parvenir entièrement, il sera souvent choqué et il paraîtra s’y refuser. L’enfant devra apprendre que l’intention la plus profonde et la plus vraie de sa mère est de favoriser son développement normal, avec tous les moyens dont elle dispose. Elle espère qu’il le comprendra avant de juger les gestes qu’elle pose pour lui, à ce moment ou plus tard. Telle sera l’une des recherches les plus importantes afin de commencer à comprendre ce que pourrait être l’avenir de l’humanité.
| Enfant de douze mois environ | Humanité actuelle |
| Dans chacun des gestes de la mère, l’enfant commencera dès son acquisition du langage à reconnaître en elle l’intention profonde qu’elle nourrit à son endroit, et il se comprendra mieux lui-même. | Dans chacune des inspirations religieuses ou culturelles, grâce à la mise en pratique de l’idéométrie, on sera de plus en plus capable de reconnaître l’intention constructive sur le long terme (LT) d’une culture ou d’une civilisation, incluant la science, les arts et les lettres. [Pour le moment-LT, on ne peut guère qu’invoquer des paradoxes et poursuivre la quête d’inspiration.] |
Idéotableau sur l’<intention réelle>
L’intention de fond
On s’interrogera sur l’intention de fond des personnes qui commettent des actions malveillantes envers d’autres, et on mettra en lumière la naïveté de leur propre conception de la « juste violence » envers leurs victimes.
On se posera la question de principe : un acte et ses conséquences prévisibles peuvent-ils avoir été entièrement voulus ? Les « intentions réelles » et les « conséquences prévisibles » sous une apparence d’évidence, cachent d’immenses difficultés sur le plan éthique. L’une d’elles est de savoir s’il s’agit pour l’individu d’une intention profonde (intention de fond, ou intention autonome de base) que l’individu entretiendra dans le cours de sa vie, ou d’une intention à réaliser dans un relatif court terme.
| Enfant de douze mois environ | Humanité actuelle |
| Normalité-CT des pleurs et des contrariétés de l’enfant | Normalité-LT des conflits et des guerres dans l’histoire de l’humanité |
| Intention normale-CT de sa mère (ou de sa maternante proximale) que l’enfant commence à comprendre | Le sens normal-LT que commencent à comprendre les chercheurs référentiels dans l’histoire |
Idéotableau sur la <normalité des guerres dans l’histoire>
II Stéréotypes universels
« … barbares, déments, inhumains, para-humains… criminels, monstrueux, diaboliques… »
En sciences humaines, le stéréotype en général désigne toute image verbale admise et véhiculée dans un ou plusieurs groupes, souvent caricaturale et souvent préjudiciable pour ceux qu’elle vise.
Le propre des stéréotypes lourdement négatifs est d’être répandus dans toute situation gravement conflictuelle entre groupes d’appartenances. Leurs motifs véritables restent implicites. Ils caricaturent ou ridiculisent les opposants de façon nuisible pour leurs développements humains, mais aussi, potentiellement, pour le développement de tous les autres groupes. Ceux qui les utilisent en cas de conflit ont toujours des arguments concernant des « faits » qu’on ne peut questionner sans risquer de passer pour allié des rivaux.
Les stéréotypes de la morale : obligations, réprobations, sanctions
L’expression d’éthos primitif universel – en abrégé, éthos primitif ou éthos – sera utilisée pour désigner la tendance – largement méconnue – des humains à considérer la morale en termes d’obligations et de sanctions punitives, de réprobation et de diabolisation. Cette tendance est-elle surtout de nature génétique, psychologique, sociologique… ? Il n’existe pas encore de réponse scientifique établie là-dessus.
L’un des effets les plus évidents de l’éthos primitif est de rationaliser des obligations (ou des interdictions) qui découleraient simplement de l’ordre impérissable des choses ou encore de la pure raison. Les éthiciens admettent trop facilement que la morale elle-même doit par définition comporter des obligations et des sanctions.
Les autres groupes sont perçus et décrits par catégories, souvent réductrices. Ainsi on dira volontiers que les X sont hypocrites, que les Y n’ont d’intérêt que pour l’argent ou le pouvoir. Par ailleurs nous sommes plus humains, des êtres humains au plein sens…
Les anciens stéréotypes semblent toujours avoir tendance à resurgir. Ainsi ce qu’on appelle le « code d’honneur » a longtemps été suivi rigoureusement dans certaines sociétés de clans. Les observateurs ont été frappés par l’imitation des gestes violents, de part et d’autre. Il arrive parfois que le meurtre a été réexécuté de la même façon et pour des raisons semblables. L’exécution de l’acte vengeur répond au code d’honneur, qui se traduit par des obligations, des réprobations et des sanctions souvent mortelles.
Il en découle souvent des guerres de territoires. Nous affirmerons que notre occupation d’un certain territoire est la seule légitime à l’encontre de toute prétention contraire d’autres groupes…
La « moralité » a transformé l’idée d’obligation en « structure intimidante » (expression de Bernard Williams) en cherchant à en élargir le champ à l’ensemble des activités humaines dans le groupe dont les membres acceptent de se conformer aux règles.
Une sincérité bien réelle, mais…
L’emploi de stéréotypes négatifs va de pair avec une attitude « sincère » en laquelle tous doivent croire. Un cas célèbre est celui de l’Inquisition. La sincérité relative des Inquisiteurs les plus motivés (du XIIe au XIXe siècle) face aux « sorcières » aura duré de façon remarquable. Par ailleurs esprits rigoureux, ils ont tenu l’énoncé de simples concomitances pour démonstrations irréfutables du caractère maléfique de certaines actions. Il suffisait qu’une enquête établisse qu’une femme avait prononcé une invective ou une injure contre un homme atteint d’impuissance sexuelle, ou encore contre une femme qui, peu après, s’était blessée en tombant, pour constituer un début de preuve. Pour que la preuve soit complète, il suffisait alors de faire avouer la femme, souvent au moyen de la torture, qu’elle « avait vraiment jeté un mauvais sort ». Lorsqu’elle ne le croyait pas dès le départ, il arrivait sans doute que la femme accusée en vint réellement à le croire, ne serait-ce qu’en raison du déchaînement provoqué contre elle.
L’Inquisiteur Henry Institoris parlant des sorcières affirmait que « toutes leurs œuvres même bonnes en soi sont à classer plutôt dans le genre œuvres mauvaises. Ainsi la sorcière qui fait l’aumône fait une mauvaise action ». On peut constater qu’il ne suffisait pas d’éliminer la menace que représentaient certains individus, mais qu’il fallait en outre projeter l’idée d’une réparation totale et définitive, en quelque sorte sanctionnée par Dieu lui-même, ce qui créait de nouvelles obligations.
Référence : Henry Institoris et Jacques Sprenger, le Marteau des sorcières (Malleus Maleficarum, 1486). Henry Institoris se trouve être le principal auteur du livre et le plus militant des deux. Il semble que le coauteur Jacques Sprenger n’ait pas directement participé à sa rédaction et qu’il n’ait servi que de prête-nom en raison de son statut de « sage », c’est-à-dire de quasi saint homme.
Les besoins de sécurité et d’ordre de la société commandent généralement les mesures à prendre. En ce sens, les connotations morales qui signifient que le bien est identifié en fait au bien du groupe religieux, national ou social, imprègnent le langage de leur système judiciaire.
Les stéréotypes imprègnent les langues
On le sait déjà depuis un certain temps dans le cas du sexisme, on découvre ici que d’autres stéréotypes tout aussi nocifs sont gravés dans les langues.
Remarque : Le simple usage du mot « promesse » par une personne de son groupe véhicule la prescription et l’obligation (réf. J.R. Searle). L’exercice de la langue suppose originellement un « tu dois » qui s’inscrit dans les règles grammaticales elles-mêmes.
Le sadisme des mots
La plupart du temps, les humains prendront plaisir à infliger une punition à quelqu’un qu’ils estiment coupable d’une faute tout en étant surtout motivés par le souci, diront-ils, de faire justice. Ainsi le sentiment de plaisir sadique serait très répandu, notamment chez les honnêtes citoyens, mais il serait généralement subordonné à un motif d’ordre moral. Le caractère dit pervers du sadisme apparaît comme une confirmation que ce mot doit être appliqué aux opposants, non aux siens. Une prise de conscience collective devrait s’imposer. Celui que l’on désigne comme sadique est le plus souvent une personne qui cherche son plaisir tout en accomplissant ce qu’elle estime être son devoir de justice.
Remarque : L’exformation représente ici la traduction de stéréotypes de façon à dépasser l’éthos primitif.
| Stéréotype | Exformation |
| Sadisme, donc perversion chez le rival | Plaisir tiré des échecs des concurrents, donc plutôt ordinaire, mesures visant à éviter les comportements indésirables ou violents |
| Culpabilité du fautif | Responsabilité partagée |
Tableau d’exformations de stéréotypes liés à la morale
« Dieu », le parfait stéréotype à la fois infiniment positif et négatif
Seul un Dieu omniscient et omnipotent pourrait être entièrement responsable d’un fait ou d’une situation. Les logiciens le savent, le faux implique formellement le vrai aussi bien que le faux.
L’évaluation éthique évitera le plus possible les stéréotypes répétitifs de l’histoire, trop souvent de la forme d’une simple dichotomie de type bon/mauvais. Il faudra la remplacer par des analyses plus fines de la situation telles que celle du niveau de complexité référentielle en rapport avec les philosophies humanistes ou socialement critiques. Il faudra voir les humains généralement faibles, en manque de connaissance sur eux-mêmes et de capacité effective, et délaissés par une société encore profondément exclusive.
Vers une éthique évaluative
Les problèmes moraux envisagés de façon traditionnelle, comme ceux que peut poser l’accès libre à l’avortement, à l’euthanasie, au sacrifice d’une vie humaine en vue d’un bien supérieur, etc., comportent une alternative dont l’un des termes est « la bonne » réponse et l’autre, par le fait même, « la mauvaise », deux stéréotypes quasi passe-partout. L’éthique évaluative propose de considérer ces problèmes comme des multi-lemmes dans lesquels, en définitive, il n’y a pas nécessairement de mauvaise réponse, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de réponse « condamnable » en soi. Il y a plutôt un nombre indéfini de réponses qui sont plus ou moins bonnes. Par exemple, dans les situations de la vie courante, ni la personne qui refuse de se faire avorter ni celle qui décide de se faire avorter ne sont à blâmer ou à criminaliser. Les problèmes ainsi envisagés ne sont plus des situations moralement insidieuses mais des situations qui appellent des réponses multiples dépendant des lieux et des personnes réelles.
Remplacer les dilemmes moraux (ou politiques) par des multi-lemmes inclusifs
Considérons ce qui est appelé le dilemme du tramway. Il s’agit d’une expérience de pensée dont la forme générale se présente d’après un schème très répandu.
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Le « dilemme du tramway » La forme générale de ce dilemme est la suivante. Une personne P dans un tramway peut effectuer un geste qui sauvera la vie des personnes d’un groupe A, mais qui sacrifiera la personne B, une amie de P. Dans de telles circonstances, est-il moral pour P de décider de ne pas effectuer ce geste afin de sauver la vie de son amie? D’après la notion de dilemme moral, il n’y aurait que deux possibilités : sauver les vies du groupe A ou refuser de sacrifier la personne B. L’approche par le multi-lemme réside dans ce qui suit. i) D’abord on voit mal comment on pourrait juger et sanctionner le choix de P quel qu’il soit étant donné l’état d’urgence et le peu de temps dont il dispose. L’erreur ne constitue pas en soi une mauvaise action. ii) Même si on a le temps d’y réfléchir, les deux choix sont moraux puisqu’il y a une éthique utilitariste qui prescrit de favoriser le résultat de sauver le plus grand nombre de personnes, et une autre éthique – l’éthique kantienne du respect de la personne – qui prescrit de ne jamais sacrifier une personne en vue d’un objectif donné. Or les deux théories morales sont tout aussi défendables l’une que l’autre. iii) En outre, rien n’empêche d’imaginer d’autres actions possibles; par exemple, la personne pourrait tout simplement refuser de décider d’un tel choix en invoquant son mauvais état mental à ce moment. Qui pourrait décider alors de condamner P et sur quelle base? … le rôle du multi-lemme… iv) De façon générale, on peut alléguer que le choix moral le plus rationnel est alors de n’imposer à P aucun devoir moral. On montrerait que P pourrait évaluer ses choix tout en ayant la possibilité de considérer un premier meilleur choix, puis un second meilleur, et ainsi de suite jusqu’aux choix les moins bons. En outre, l’éthique évaluative recommanderait de tenir compte de situations plus réalistes qui comporteraient beaucoup plus de détails sur les personnes concernées, sur le pays ou elles se trouvent, d’où elles proviennent, de leurs cultures… et des conditions générales du tramway, de la législation pertinente, etc. Quel que soit le meilleur choix selon la personne P, il ne serait jamais question de la réprouver ni de la sanctionner, mais plutôt de la respecter de façon concrète en l’aidant, au besoin, à mieux orienter et comprendre les valeurs de ses choix réellement possibles. |
L’éthique évaluative est un autre type de morale. Elle pose en principe que ni l’obligation absolue, ni la réprobation, ni la criminalisation (en tant qu’exprimant la réprobation), ni la diabolisation n’ont de valeur éthique. Seule l’évaluation des attitudes et des gestes posés en fonction des situations et des conséquences prévisibles, peut avoir une valeur éthique. Cf. Mon ouvrage : La diabolisation. Une pédagogie de l’éthique, Québec, 2007.
| Éthique des obligations (obligations, réprobations, sanctions) | Éthique évaluative (sans obligation, réprobation ni sanction) |
| Rupture coupable de promesse ou d’engagement, manque aux devoirs | Réévaluation de l’importance de tenir ou non ses promesses ou d’autres engagements d’après des circonstances changeant de façon suffisamment importante |
| Délinquance ou criminalité | Reconnaissance d’une personne assumant les conséquences de ses actes dans son groupe, ou reconnaissance d’un dissident qui les refuse |
Tableau sur certaines des différences entre l’éthique des obligations (colonne de gauche)
et l’éthique évaluative (colonne de droite)
Une autre sorte d’égocentrisme
Rappel : Le terme éthocentrisme signifie que l’on tend à considérer le point de vue moral national, religieux ou ethnique, … de son groupe d’appartenance supérieur à ceux des autres indépendamment des caractéristiques qualitatives, telles que la puissance économique ou les productions artistiques. (Cf. Où allons-nous?, Agorathèque, printemps 2018)
L’idée selon laquelle l’égocentrisme de l’enfant dépend de ses gènes correspond à celle selon laquelle l’éthocentrisme des groupes humains est véhiculé profondément par les mots. L’enfant franchit un pas important vers le respect lorsqu’il acquiert la capacité de parole, ce qui correspond ainsi à la sortie progressive de l’éthocentrisme grâce aux recherches (infra-référentielles ou référentielles) sur l’idéométrie et ce qu’elle entraîne.
| Égocentrisme | =>> | Éthocentrisme |
| Gènes impliqués dans l’égocentrisme de l’enfant | =>> | Mots dont l’éthocentrisme dépend |
| Langage dont l’usage permettra à l’enfant de surmonter son égocentrisme primaire (CT | =>> | L’idéométrie générant les idées permettant de surmonter l’éthocentrisme dans le long terme (LT) |
Idéotableau explicitant le <surpassement de l’égocentrisme>
L’expression d’éthos primitif servira à décrire la tendance implicite encore innommée en tant que telle des groupes d’appartenance à se conformer à une morale qui aurait en propre ses lois, ses devoirs, sa logique, son système. … Si nous croyons penser et agir sans adhésion séreuse à une éthique particulière (supposons par exemple que nous nous considérions comme « relativiste » ou comme « matérialiste »), si nous croyons que la morale n’est pas notre affaire, que nous y sommes indifférents, cela ne nous empêche nullement, chaque fois que l’occasion se présente, de réprouver et de stéréotyper certaines personnes ou certains groupes.
Rappel : L’exformation consistera ici à expliciter le sens aidant à surmonter l’éthocentrisme des mots afin de comprendre ce que signifient les informations stéréotypées, dans un but de respect et d’aide pour des personnes et pour leurs groupes. (Cf. Questions interdites, Agorathèque, 2023)
Le tableau suivant résume les principaux points traités ici.
| Stéréotypes | Exformations |
| Autorités morales traditionnelles, théories éthiques actuelles, toutes comportant les stéréotypes de l’obligation | Recherche éthique de l’aide au respect mutuel des personnes et de leurs groupes respectifs d’appartenance et ce dans tout ce qu’ils font ou peuvent faire lorsqu’on leur indique leurs erreurs ou leurs conduites à éviter autant que possible dans différentes situations |
| Fautif coupable | Responsabilité partagée, aide à la reconnaissance des erreurs et mesures visant à restreindre les risques de récidives |
| Réprobation et sanction | Critique créatrice : aide aux développements des personnes et de leurs groupes d’appartenance en vue de tenter d’éviter à l’avenir toute nuisance volontaire aux développements des personnes et de leurs groupes d’appartenance |
| Accusations dévoilant des intentions criminelles | Reconnaissance des intentions de fond positives et critique des intentions négatives, en plus de recherches de mesures visant à réduire les risques de violence |
| Rupture coupable de promesse ou d’engagement, manque aux devoirs | Réévaluation continue de l’importance de tenir ou non ses promesses ou d’autres engagements d’après des circonstances changeant de façon suffisamment importante |
Tableau d’exformations de stéréotypes
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