Juillet 2022
I Les rires
Les chercheurs s’intéressent de plus en plus aux rires en général (y compris les leurs), mais plus particulièrement aux rires de l’enfant. Notamment plusieurs questions montent en importance. Quelles sortes de rires sont propres à l’humain? Quels sont les rapports des rires au langage? D’autres champs d’intérêt sont – ce qui peut faire sourire – ceux des sortes de chatouilles (par exemple, la « bibitte qui monte »)? Et, par exemple, que penser de la pratique du « coucou! » dans les rapports des parents avec leur tout-petit? Or tout cela s’inscrit dans le nouveau contexte historique des droits de l’enfant.
Peu encore en sont conscients mais, pour la première fois de l’histoire, la Convention des droits de l’enfant (votée en 1989 par l’ONU), a énoncé une impressionnante série de droits correspondant à des libertés reconnues à l’enfant : liberté d’opinion, d’expression, de pensée, de conscience, de religion, d’association, de réunion pacifique et même son droit à sa vie privée. Or il faut savoir que ce type d’énoncé représente une formidable avancée en ce qui touche, non seulement des droits de l’enfant, mais aussi pour toute l’humanité dans son histoire, une sorte de lumière qui n’avait jamais brillé jusqu’à ce moment.
Remarque 1 : Bien sûr, on reste libre d’interpréter ces droits et libertés de l’enfant d’un grand nombre de façons et cela dépend forcément de l’âge de l’enfant. Quoi qu’il en soit, cette Convention représente un point de bascule à l’échelle de l’histoire, étant donné les sévices légaux du passé contre les enfants souvent traités moins bien que des animaux de compagnie.
Remarque 2 : Il y a des conventions « sorites » arbitraires (à quel âge l’enfant peut-il avoir des opinions? à quel âge peut-il avoir droit au respect de conscience?…), mais on peut fonctionner sur une base de conventions, comme cela se fait déjà, par exemple, en éthique et en politique, même s’il demeure alors souvent difficile d’échapper au dogmatisme. Cf. La conscience en progrès de l’enfant (1ère partie).
Les chatouilles comme sujets de recherche
C’est entre 6 et 8 semaines après sa naissance qu’apparaît le premier sourire que le bébé fait en réaction à quelque chose qui se produit dans son environnement. Ce sourire conscient est habituellement une réaction à la vue du visage de ses parents. Dans ce contexte, le sourire peut être vu comme sorte de chatouille visuelle, compte tenu de sa spontanéité et de la facilité de son déclenchement.
Vers 4 mois, le bébé commence à rire. Parmi les choses qui peuvent le faire rire, il y a les chatouilles légères, les drôles de mimiques, les grimaces, les sons comiques, le jeu de la « bibitte qui monte, qui monte, qui monte… », etc. À cette étape, les rires sont surtout provoqués par les stimulations qui lui viennent de ses sens, soit la vue, l’ouïe ou le toucher. (Cf. Naître et grandir)
Source : 15 jeux d’éveil amusants à faire avec bébé – Naître et grandir
| Types de chatouilles | Sens impliqué |
| Doigts furtifs maternants | Toucher au sens large |
| Grimaces maternantes | Vision et mobilité |
| Bruits bizarres maternants | Audition au sens large |
| Bibitte qui monte… d’origine maternante | Toucher et vision de mouvements improvisés |
Tableau des types de chatouilles
Comment l’enfant modifie-t-il ses rapports avec ses proches lorsqu’ils lui font des chatouilles, aux points de vue des motivations d’apprendre et de socialiser? De quelle façon la recherche sur les mathématicités sera-t-elle affectée par ses analogies avec les sensorialités?
Rappel : Les mathématicités sont des réseaux de références telles qu’ils se développent au cours des recherches mathématiques. Elles idéocorrespondent aux sensorialités, elles-mêmes comprise comme des réseaux neuronaux dans le cerveau de l’enfant.
Sources : La conscience globale de l’humanité: I. Phénomènes idéométriques et Le problème de l’unification théorique
L’une des multiples variantes de la chatouille, le coucou!
Vers 8 ou 9 mois, le jeu du « coucou » amuse beaucoup l’enfant. Le bébé rit lorsqu’il entend « coucou » et voit la personne réapparaître, car cela confirme ce qu’il pensait : la personne est toujours là même lorsqu’il ne la voit plus.
Supposons que vous êtes un proche du petit enfant. En vous cachant derrière un morceau de tissu, vous jouez au coucou avec l’enfant. Il commence en effet à comprendre la permanence des choses et des personnes. Bientôt, il découvrira votre visage en riant aux éclats. Son rire sera alors en partie néo-normal (nouvelle normalité dans son développement) et, à ce titre, il portera bientôt sur une paléo-normalité (ancienne normalité…), celle de la crainte continuelle de la disparition de la mère (ou de la maternante proximale).
Le « coucou » résume le rire physiologique, le rire de l’ironie (« je disparais »), le rire du mot d’esprit…
Exemples de sourires inspirés / inspirants : le « coucou » généralise le potentiel réel des êtres, mais cela se fait encore au mode passif. L’enfant reconnaît sa mère, mais ne comprend pas nécessairement encore la permanence de l’objet qui existe en général.
Remarque : Si on s’amuse à googler le « rire des dieux et des déesses », ils ne se font pas prier et apparaîtront vite et nombreux à l’écran. Les « dieux et les déesses » font aussi « coucou! » et cela porte souvent fruit. On se fait répondre par les dieux et les déesses des mythologies, par les dieux et les déesses grecs, les dieux et les déesses hindous, les Dieux des monothéismes …. et plusieurs autres moins connus ou pas du tout connus.
Y a-t-il des rires « normaux » et d’autres « anormaux »?
Le développement d’après des stades de développement permet de dégager en partie ce qui provoque les rires (ou les pleurs) en général. Or il y a des normalités distinctes pour le nourrisson, pour l’enfant devenu capable de se déplacer seul, pour l’enfant devenu capable de penser la permanence de l’objet, d’abord passivement, puis activement, pour l’enfant qui acquiert la capacité de parler… Il est normal pour le nourrisson de sourire, d’abord de façon purement instinctive, sans conscience d’être souriant en tant que tel. Il est normal pour l’enfant un peu plus âgé de sourire consciemment à ceux qu’il reconnaît comme ses proches, mais pas aux autres. Plus tard encore, l’enfant deviendra capable de rire avec les autres, et ainsi de suite. Cela amène ce qu’on peut appeler : les paléo-normalité, méso-normalité et néo-normalité, la première représentant le stade déjà franchi, la seconde le stade atteint et la troisième le prochain stade. Or, d’après l’idéométrie, cela est vrai aussi au niveau du développement humain global, de l’humanité.
| <Norme> | Enfant | Humanité |
| Paléo-norme | La norme du stade franchi | La norme dépassée |
| Méso-norme | La norme du stade atteint | La norme courante |
| Néo-norme | La norme du prochain stade | La norme à venir |
Idéotableau sur les <normes>
Remarque : Ces « normes » multiples ne sont en fait que des phases du même développement normal. Elles n’ont pas de sens seulement par elles-mêmes. Elles sont donc ici plurielles pour la raison que, du point de vue de l’enfant, elles représentent à chaque étape ce qui devient « normal ».
Le rire au niveau de l’humanité est un rire qui se fait aussi humour lié aux différents stades du développement humain dans la temporalité du long terme (LT).
Il s’en dégage une ambiguïté du rire. D’une part, on transgresse par le rire le niveau précédent de normalité (paléo-normalité) et, d’autre part, on contribue à instaurer une autre normalité « plus avancée » (méso-normalité).
Par exemple : Le petit enfant peut être resté psychiquement en partie dans une paléo-normalité utérine et ne pas être encore adapté à sa méso-normalité, qui serait pour lui comme une non-normalité… Par correspondance, on sait que les groupes qui se veulent fidèles à leurs traditions ne passent pas facilement à la modernité et à ses normes particulières.
| Petit enfant | Humanité actuelle | |
| Paléo-normalité | État utérin | Groupe de croyance traditionnelle |
| Méso-normalité | État de nourrisson | Groupe de croyance adaptée ou ajustée à la modernité |
Idéotableau sur le <développement> du passé au présent
En termes de développement individuel, par exemple, on rit après coup de ses propres inquiétudes lorsqu’on a facilement réussi un examen important; on pleure de son échec à un examen important qu’on croyait pouvoir facilement réussir. En cas de succès à l’examen, on est content d’avoir franchi une étape. On peut en rire on en jouir. En cas d’insuccès, on est peiné d’avoir échoué à se dépasser soi-même.
| Norme | Étudiant | Examen |
| Paléo-norme | Étape franchie | Examen réussi |
| Méso-norme | Étape atteinte | Examen à préparer |
| Néo-norme | Prochaine étape | Prochain examen |
Idéotableau sur le <développement> passé, présent et futur
Des rires qui durent longtemps (rires-LT)
Une sorte de rire reste souvent confondu avec le rire de l’enfant et de ses proches en un sens purement individuel. Il s’agit d’un rire référentiel plutôt que simplement cérébral, qui rejoint alors l’humour en tant que référentiel.
Remarque : Dans son essai sur la signification du rire, Henri Bergson semble privilégier comme relevant du rire l’inadaptation à une situation donnée. Ainsi, un homme qui trébuche peut paraître comique dès lors qu’il n’a pas vu un obstacle qu’il aurait dû être capable de contourner. Or cet écart est ramené par Bergson à un mécanisme de groupe et, plus exactement, à une réponse de la majorité à un comportement jugé inapproprié. Ainsi le comique frappe-t-il ce qui s’éloigne de la norme sociale. (Henri Bergson, Le Rire. Essai sur la signification du comique, 1900). Cela peut être vu comme un argument en faveur de l’explication du rire par le développement individuel ou collectif.
Exemples de paléo-normalités en science ou en éthique : celles du géocentrisme pré-copernicien, l’apport de J.-B. Van Helmont à la théorie de la génération spontanée, la théorie de la combustion dite du phlogistique…
Ainsi rit-on aujourd’hui plus que jamais, par exemple, des sexistes et des homophobes attardés. Et, à la longue se sont couverts de ridicule le patriarcat, la messe en latin, la croyance répétée en l’apocalypse, les extrémistes « pro-vie »… le chapelet en famille, la femme au foyer…
Exemples de méso-normalité : la théorie corroborée du Big Bang, le problème majeur de la masse manquante, l’idée de respect des droits de l’homme (droits abstraits).
Exemples de néo-normalité : la théorie des supercordes en physique? Les chartes du respect concret des personnes avec leurs groupes respectifs d’appartenance autonomes (avec leur droit à la dissidence)?
Exemples de <pleurs> dans la longue temporalité de l’histoire : lors des grandes guerres du XXe siècle, plusieurs peuples vaincus ont fait face à la néo-normalité démocratique et technologique.
Des rires inclassables
Nul doute, le rire lui-même présente souvent une facette inquiétante. Par exemple, le chat du Cheshire est un personnage énigmatique du roman Alice au pays des merveilles de Lewis Caroll, son sourire, affirme-t-on, est la dernière chose qui disparaît lorsqu’il devient invisible. Alice remarque qu’elle a « déjà vu un chat sans sourire », mais jamais un « sourire sans chat ». Il a, dit-on, donné à l’adaptation de Disney une touche d’effroi qui a traumatisé bien des enfants. Même un simple sourire serait ainsi propre à susciter les pleurs (cf. « Ces sourires-là ont fait le tour du monde », europe1, 2016). Ce type de sourire, pas très loin des pleurs, est fictif, mais pourrait se rencontrer. Les néo-normes se présentent souvent comme quelque chose d’inquiétant.
Remarque : Ces caractères des sourires et des rires cachent la grande complexité du mécanisme physiologique des rires conscients ou, par idéocorrespondance, la complexité de la recherche des mécanismes humains de publications.
L’ironie socratique
L’ironie socratique en tant que forme du rire pourrait illustrer le caractère ambigu, à la fois psychologique-CT et philosophique-LT de l’usage du mot ironie… Si le rire correspondant à l’ironie socratique marque un sentiment de gaîté, il illustre le caractère psychologique du rire et, du même coup, l’établissement du <rire> en tant qu’objet de recherche pour les historiens.
| Psychologie | Philosophie et histoire | |
| Ironie socratique | Sentiment de gaieté | L’humour en tant qu’objet de recherche |
Idéotableau schématique sur l’ironie socratique
L’humour a bien sûr plusieurs significations. On peut voir s’instituer un humour de portée historique comme le « Dieu ne joue pas aux dés… » d’Albert Einstein. Ce mot d’esprit sera reproduit dans l’avenir plusieurs fois avec des variantes inattendues, si on considère les cours enseignés et les livres reliés à Einstein. Un autre exemple est celui de Fred Hoyle et son expression de « big bang ». C’était drôle, mais il n’en riait pas vraiment.
Rappel : Fred Hoyle défendait la théorie de l’état stationnaire – l’Univers conçu comme éternel et immuable – contre celle qu’il a appelée la théorie du « Big Bang ».
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