Compte-rendu de recherche à partir du General Evolution Research Group (GERG)

Mars 2021 

(La conscience en progrès de l’enfant, 2ème partie)

 I   Introduction : la conscience du temps et de l’espace

Certains souvenirs du jeune enfant portent sur la façon dont les choses sont venues à l’existence y compris lui-même. Ils correspondent alors aux mythes de la création du monde, que ce soit notamment par la pensée (le « Verbe » ou la parole), de l’unité primitive d’un couple tel que celui du Ciel et de la Terre, ou comme un Chaos, ou encore comme un Œuf primordial comprenant en lui tout le potentiel des êtres. 

Enfant Humanité actuelle
Souvenirs les plus anciens Récits mythiques
Couple mère / enfant Couple Ciel / Terre

 

 

 

Idéotableau : Idéomorphie binaire du <mythe> 

Le jeune enfant passe d’un état de fusion, ou plutôt de quasi indifférenciation, entre lui et sa mère, à un état de moi séparé progressant ensuite vers une autonomie de plus en plus affirmée envers elle, puis envers les autres, tous les autres. L’enfant cependant n’y parviendra que par l’appropriation du langage. Il se sera quand même ainsi avéré très tôt conscient de lui-même, de son rapport à sa mère.

L’enfant sera au centre de la recherche aussi bien en tant qu’objet d’étude qu’en tant que modèle pour la recherche. Le développement du jeune enfant sera devenu un thème privilégié aussi bien par l’innovation des méthodes et des appareils d’observation que par l’importance des problèmes théoriques ou pratiques liés à son acquisition de la capacité du langage.

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Quelques sources représentatives des connaissances actuelles sur l’enfant : Philippe Rochat, directeur de « The infant’s world, Harvard University Press, 2001. Roger Lecuyer, professeur émérite à l’université Paris-Descartes, « La construction des premières connaissances, Dunod, Paris, 2014

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Le mot mythe sera employé ici pour désigner certaines théories scientifiques modernes ou actuelles, comme par exemple en cosmologie, où elles ne se distinguent souvent guère des hypothèses les plus spéculatives.

 Comment l’enfant devient conscient de ce qu’il est

 L’enfant n’est pas conscient de ses potentialités réelles, du moins pas avant qu’il n’ait acquis la capacité d’en parler avec une personne de son entourage. Avant ce moment, il se trouve considérablement limité en ce qui concerne, non seulement la connaissance de ce qu’il devrait normalement être en mesure d’apprendre, mais en outre de ce que les êtres ou les objets qui l’entourent peuvent devenir capables de faire.

L’enfant se définit aussi essentiellement, par son potentiel réel. Le nouveau-né, par exemple, à le potentiel effectif, à tout moment, d’entendre des sons et d’en émettre. En comparaison, il a normalement le potentiel réel, mais non encore effectif, d’acquérir la capacité (effective) de parler. Ainsi ce qui définit un objet ou un être réside surtout dans son potentiel réel, et non par exemple comme ce qu’il nous apparaît à un certain moment. Finalement, le potentiel réel d’un objet ou d’un être équivaut à cet objet ou à cet être même.

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Rappel : La grande échelle ontologique 

Séquence de l’effectivité Exemples
Effectivité Parler effectivement : par exemple, l’enfant est en train de parler.
Potentiel effectif Avoir effectivement la capacité de parler : par exemple, l’enfant est devenu capable de parler.
Potentiel réel non encore effectif Ne pas avoir encore effectivement la capacité de parler : par exemple, le nourrisson n’est pas encore capable de parler.
Potentiel réel effectif en soi Être en principe doté de la capacité réelle de parler : par exemple, un enfant au stade du nouveau-né est humain et peut de ce fait acquérir le langage. Ainsi le potentiel réel de parler des animaux est effectif en soi chez l’Homo sapiens.

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La permanence de l’objet

En psychologie du développement, la permanence de l’objet est la connaissance, ou la compréhension, par l’enfant que les objets qui l’entourent lui sont extérieurs, et qu’ils continuent d’exister même lorsqu’il ne les perçoit pas sensoriellement. Il en viendra peu à peu à saisir que tout objet réel est en fait un potentiel réel, non une simple effectivité ni un simple potentiel effectif se réduisant à ce qu’on en perçoit à un certain moment.

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Remarque : Selon Jean Piaget, la compréhension des objets et du monde est atteinte par l’enfant lors du stade de développement sensorimoteur (vers 8 à 12 mois) et une étape nécessaire avant que l’enfant puisse relier ses représentations visuelles, tactiles et motrices des objets. Ce n’est que par la suite qu’on a découvert que la permanence de l’objet est plus précoce (vers 4 ou 5 mois). Les chercheurs ne s’entendent pas sur l’âge précis auquel l’enfant y accède. On pourra voir ici, en outre, que l’enfant n’en aura que très progressivement une notion assez complète et ce sur une longue période de son développement ultérieur.

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La permanence de l’objet est devenue, historiquement, un thème permanent (!) de la psychologie du développement de l’enfant, qui remonte aux observations de Jean Piaget (années 1940). Le nourrisson ne conçoit d’abord que des objets effectifs, c’est-à-dire des objets sans durée et sans potentiel réel. Il ne conçoit donc que des objets immédiatement perceptibles ou qui ne le demeurent que pendant un court laps de temps.

On précise ici qu’au moins deux types de situations peuvent se présenter à l’enfant lorsqu’il est parvenu à un stade de développement suffisamment avancé : 

1) l’objet existe même lorsque l’enfant ne le perçoit pas et il demeure pratiquement avec les mêmes qualités sensibles permanentes;

2) l’objet existe, non seulement lorsqu’il n’est pas perceptible, mais aussi lorsque certaines de ses qualités sensibles ont changé. Dans ce second cas, il apprendra à reconnaître la personne de sa mère comme un « objet permanent » qui peut changer dans le temps puisqu’elle n’est pas toujours habillée ou peignée de la même manière, qu’elle n’est pas toujours occupée de la même façon, ni au même endroit.

La permanence de l’objet au sens large : relativité du général et du particulier 

Avant que l’enfant n’assimile la permanence de l’objet en termes de potentiel réel, il perçoit un objet actif en particulier, sa mère lorsqu’elle est présente, ce qu’il ressent pleinement. Puis il devra faire un effort d’abstraction en généralisant l’être de sa mère, qu’elle soit présente ou absente. Il pensera pleinement à elle. C’est une première façon pour lui de passer du particulier au général. Le général lui apparaît non seulement plus abstrait, mais comme quelque chose de relativement difficile à supporter. On peut généraliser l’idée même de la permanence de l’objet de façon à la considérer en son sens large, l’objet étant considéré successivement dans un ordre croissant de généralité, comme le montre l’idéoséquence suivante sur la généralisation croissante à partir du cas le plus particulier qu’est l’enfant intra-utérin confondu avec sa mère :

La mère pleinement présente

=>>

La mère potentiellement présente, qu’elle soit présente ou non

=>>

Les personnes potentiellement présentes en général

=>>

Les objets et les êtres potentiellement présents en général…etc.

=>>

Tout ce qui peut être en général nommé en tant que tel

La dernière ligne débouche sur les mots en tant qu’objets permanents les plus généraux. Ils incluent entre autres les notions de potentialités, de nombre, d’idées et de pensée. La capacité de concevoir les mots contribuera au développement de l’attention et en particulier de l’attention conjointe avec une ou plusieurs autres personnes, ce qui aidera l’enfant à bien s’orienter et interagir socialement.

La conservation des idées au sens de l’idéométrie, qui équivaut aux idéomorphies, est donc une forme de profonde généralisation de l’idée de permanence des objets.

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Remarque : Ces généralisations sont inspirées par l’idéométrie. D’autres généralisations logiques ou mathématiques de la notion de permanence de l’objet ont été soulignées par Piaget, les notions de conservation telles que forme, grandeur, nombre…, les notions d’invariant telles que classe, ordre, série, groupement et groupe… et les structures de l’espace et du temps, telles que le groupe des déplacements et le schème de causalité, procèdent de l’idée générale de permanence.

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Les progrès de l’enfant concernent sa conscience du temps et sa conscience de l’espace en tant qu’autres formes d’objets permanents, en particulier celles de l’écoulement du temps et de l’étendue de l’espace. Par correspondance, l’écoulement du temps réel historique et les distances interdisciplinaires complexes représenteront pour l’humanité une autre sorte d’environnement et des repères de plus en plus abstraits dans ce genre de milieu.

Les progrès de l’attention 

Chez le nourrisson d’abord l’attention dite exogène se développe, puis plus tard l’attention endogène, c’est-à-dire que l’enfant ne fait d’abord guère attention qu’à ce qui lui est imposé puis de façon de plus en plus autonome. Au début, le stimulus apparaissant soudainement dans son champ visuel capte vite son attention. Puis il regarde de façon plus libre là où il le veut bien. Vers deux ans, son attention endogène est plus assurée jusqu’à l’adolescence, en fonction de la maturation des lobes frontaux.

Au niveau de l’humanité et de la recherche scientifique, on sera passé des découvertes individuelles et essentiellement aléatoire aux projets de recherches d’envergure nationale ou mondiale sur des sujets souvent très précis. L’<attention exogène> correspond aux débuts d’une théorie ou d’une science, en particulier les découvertes faites sans programme clair de recherche, par exemple la découverte conduisant à la théorie des groupes par Évariste Galois, publiée en 1846, ou encore la découverte du paradoxe de la théorie des ensembles par George Cantor dans les années 1890. L’<attention endogène>, pour sa part, correspond à des projets de recherche assez bien définis. On peut en trouver l’exemple dans la liste de 23 problèmes mathématiques demeurés non résolus établie par David Hilbert en 1900, qu’il proposa comme un défi pour le XXe siècle.

Enfant Humanité
De 0 à 6 mois : Attention exogène (hétéronome) Découvertes individuelles et aléatoires
Plus de 6 mois : Attention plus endogène (autonome) Programme de recherche
Sujet déterrminé au départ Sujets précis dès le départ

Idéotableau : L’<attention>

Tout ce qui se passe dont on est conscient se passe dans le court terme (CT), lequel dépend épistémologiquement et ontologiquement du très court terme (mT). De même, à un autre niveau, les progrès scientifiques véritables se produisent sur le long terme (LT) tout en dépendant de formations et de façons de faire dans le court terme (CT).

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Rappel sur les temporalités : 1) La temporalité des processus cérébraux très rapides est de l’ordre des fractions de secondes, plus précisément de moins des dix-millièmes environ jusqu’aux dixièmes de secondes (c’est ici la temporalité de très court terme notée  « mT »).

2) La temporalité des sensations et des actions conscientes est de l’ordre de la seconde jusqu’aux périodes de plusieurs jours ou plus (c’est la temporalité ordinaire ou temporalité de court terme notée ici « CT »).

3) La temporalité des processus et développements d’ordre historique pouvant occuper des années, des siècles ou des millénaires (c’est la temporalité de long terme notée ici « LT »).

Neurone Être humain Humanité
mT: très court terme CT: court terme LT: long terme

Idéotableau : Les temporalités <T>

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Remarque : À l’attention dans le CT correspond l’<attention> dans le LT. La première intéresse surtout la recherche en psychologie, la seconde surtout en philosophie. Par exemple, le philosophe Martin Heidegger, dans Ètre et Temps (1927), critique l’insuffisance des sciences humaines qui s’alimentent dans le CT de recherches qui présupposent des conceptions philosophiques dans le LT.

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La permanence de l’objet : plus précoce qu’on ne le croyait

« Jean Piaget avait observé que jusqu’à l’âge de un an les bébés font une erreur, dite « A-non-B », dans un dispositif de recherche d’objets disparus. L’objet est d’abord caché derrière un écran A, puis il est caché, sous les yeux du bébé, derrière un écran B. De huit à douze mois, le bébé continue d’aller rechercher l’objet derrière A (comme d’habitude), commettant ainsi l’erreur A-non-B. Piaget croyait que cette erreur signifiait une absence de permanence de l’objet. Or les travaux de sciences cognitives, après Piaget, ont montré que la permanence de l’objet est bien plus précoce (quatre-cinq mois). Pour comprendre ce paradoxe, il a été démontré que l’erreur A-non-B tient au défaut d’inhibition motrice du geste préprogrammé vers A (l’habitude motrice, l’automatisme), en raison de la maturation encore insuffisante du cortex préfrontal. À un an, cette erreur est corrigée » (Encyclopaedia Universalis, « Développement des fonctions exécutives », Olivier Houdé, Février 2021). C’est d’ailleurs à cet âge que l’enfant commence à prononcer ses premiers mots.

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Remarque : Inhiber en psychologie signifie désactiver des stimuli non pertinents à la tâche visée.

 Rappelons que l’interprétation pythagoricienne, l’IP, consiste à considérer vrai un modèle explicatif compatible avec un assez grand nombre d’observations effectuées, même s’il n’a jamais été démontré en tant que tel, notamment dans les cas où les seuls modèles reconnus s’avèrent eux-mêmes incompatibles avec les mêmes observations. L’Interprétation non pythagoricienne, l’INP, pour sa part considère qu’un modèle compatible avec les observations reconnues est faux jusqu’à preuve du contraire. Or l’interprétation IP correspond idéométriquement à l’erreur de l’enfant lorsqu’il ne parvient pas à trouver ce qu’il cherche ailleurs qu’à l’endroit qu’il connaît même s’il sait, ou devrait savoir, que ce n’est peut-être pas la bonne solution. 

Inhiber l’IP pourra entre autres vouloir dire que l’intelligence future ne sera plus celle d’une espèce, l’Homo sapiens en l’occurrence, mais plutôt celle d’une humanité définie idéométriquement. On y reviendra plus loin.

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L’INP découle de l’idéométrie de façon nécessaire dans la mesure où, muni du langage, l’enfant pourra commencer à comprendre la profondeur de son ignorance.

L’enfant ne peut d’abord comprendre qu’un objet se déplace. =>> Les chercheurs scientifiques ne tiennent que peu compte que la recherche et les découvertes se poursuivront encore longtemps dans l’avenir.

Le potentiel réel de se déplacer =>> Le potentiel réel de découverte d’autres notions ou concepts mathématiques

Tout développement suppose fondamentalement la permanence d’un certain potentiel réel, c’est-à-dire son maintien « en vie » au-delà de ses potentiels effectifs.

C’est ce que l’enfant doit comprendre en ce qui concerne la réalité des personnes qui l’entourent et, plus particulièrement, ce qu’il est lui-même. Il ne se réduit pas, en effet, à ce qu’il est capable de faire ou refaire à un moment donné.

 La culture et l’éducation jouent un grand rôle dans la façon dont le développement de l’enfant se déroulera et, en particulier sur sa façon d’apprendre le langage du milieu où il se trouve. L’origine des potentialités réelles est identifiable d’abord aux actions de la mère et à l’état du milieu préadapté à l’enfant, parfois indépendamment de la culture dominante ou normale. Tout cela influe sur la façon dont la permanence de l’objet y sera apprise.

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Rappel : le paradoxe sorite et l’émergence de la conscience

 Le paradoxe du « tas », ou ici du « tas de blé », souvent appelé paradoxe sorite, se définit au moyen du raisonnement suivant en trois propositions.

1) Un grain de blé ne forme pas un tas, deux grains non plus;

2) or, s’il n’y a pas de tas, le fait d’ajouter un grain ne formera pas un tas non plus; on arrive ainsi au résultat absurde :

3) aucun nombre de grains ne permet d’en faire un tas.

Une émergence de conscience se constate à partir d’un assez grand nombre de « petites visions » de chacun des grains visibles regroupées très rapidement par le cortex visuel, chacune de ces petites visions s’effectuant en un laps de temps très court mT. À défaut de reconnaître soi-même chacune de ces petites visions, son cerveau le fait.

Remarque : Le mT et le LT sont plastiques, c’est-à-dire compressible ou étirable par rapport au CT, ce qui les rend ajustables aux théories. Ainsi le mT peut aussi bien être de l’ordre du millième de seconde (influx neuronaux) que beaucoup plus petit (par exemple, le temps de Planck qui est d’environ 5,4 10-44 seconde) et le LT peut aussi bien relever du siècle (par exemple l’histoire des sciences) que des milliards d’années (par exemple dans la théorie de l’évolution). L’idéomorphie du temps <T> comporte doublement le paradoxe sorite, du mT au CT et du CT au LT. Le premier sorite correspond à l’émergence de la conscience à partir de mouvements neuronaux, et le second sorite à l’émergence de la science à partir de la recherche concrète des chercheurs.

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On ne peut prendre conscience du potentiel réel sans la conscience du temps. Le passage du CT au LT, c’est-à-dire du court terme (ou temporalité ordinaire) au long terme historique. On remarquera qu’on n’est pas conscient au moment où on le vit de ce qui passera ensuite à l’histoire, ni de la façon dont cela se fera.

Ces deux ordres de processus sont de type sorite : ils se présentent dès le départ comme impossibles ou totalement arbitraires.

Si on considère le passage du mT au CT, ce processus peut représenter une émergence de sens ou, par exemple, de perception visuelle d’un « tas de blé ».

Enfant Humanité
Conscience Recherche scientifique
Passage du mT au CT Passage du CT au LT
Sorite du tas de blé : la vision du tas nécessite un processus mT dans son cerveau. Sorite du tas de blé transposé : la reconnaissance d’une découverte scientifique nécessite un processus impliquant le consensus de chercheurs dans le CT.

Idéotableau : Le double sorite

Remarque : La science selon son idée est une epistêmê, un savoir véritable irréductible à l’opinion.

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Le double sorite implicite de toute théorie ou observation scientifique

 L’effectivité suppose le <présent>, qui équivaut à <à ce moment>ou <en ce moment>. Or un moment peut avoir au moins trois significations très différentes. Habituellement, on utilisera le mot, ou ses dérivés, dans le sens du court terme (ou temporalité ordinaire), donc le CT. Par exemple, je suis en, ce moment, en train de lire. Il peut être utilisé également en un sens historique. Par exemple, on peut parler de l’époque présente au sens de l’époque contemporaine. Alors le mot présente ne veut pas dire présente en son sens ordinaire, mais présente au sens ou deux événements peuvent être au même moment de l’histoire et à plusieurs années d’intervalle. Ce sera un moment-LT. En outre, il y a aussi le moment-mT comme dans la décharge au même « moment-mT » d’un influx nerveux forcément impliqué dans toute recherche concrète. Ainsi on a la séquence d’idées :

au même moment l’influx nerveux… =>> en ce moment je…=>> à ce moment de l’histoire

 moment-mT =>> moment-CT =>> moment-LT

La prise de connaissance dont il est ici question laisse entendre que 1) des individus ont eu ainsi conscience de quelque chose dans le CT, c’est-à-dire le court terme ou la temporalité ordinaire des choses dont on est conscient, soit quelques minutes ou quelques heures. Ensuite 2) l’utilisation du mot « événement » peut aussi bien vouloir dire que quelque chose d’ordinaire s’est passé dans le CT, mais habituellement ce mot connote plutôt l’événement établi objectivement, ce qui nécessite le LT. Quant aux sensations plus ou moins nombreuses ou complexes, un psychologue peut faire aussi bien allusion à des sensations conscientes dans le CT qu’au moins en partie, des sensations inconscientes impliquées dans le mT. Le statut scientifique d’une observation repose donc sur plusieurs présupposés cachant des sorites. 

On peut ressentir dans le mT =>> On ne voit clairement que dans le CT =>> À ce moment de l’histoire

Deux moments séparés par moins de 1 seconde =>> … par moins de 10 ans =>> … par toute durée

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Remarques : Les paradoxes réapparaissent dans l’explicitation. Par exemple, deux personnes sont au même présent-LT sans être au même moment-CT, c’est-à-dire au même moment de l’histoire même si plusieurs années les séparent. Il serait donc possible d’être au présentiel-LT sans l’être au présentiel-CT. On peut se tromper comme Herbert Simon en 1958 lorsqu’il prédit que les machines seront championnes du monde aux échecs dix ans plus tard alors que ce n’est arrivé que dans les années 1990. Pourtant Herbert Simon avait au fond raison puisqu’en une trentaine d’années, on demeure dans le même moment historique.

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On ne peut voir effectivement que dans le CT parce que, pour le mT ou le LT, nous n’avons aucune expérience directe, mais seulement des hypothèses et des théories (biologiques, physiques et, en particulier cosmologiques), lesquelles ne peuvent être vérifiées concrètement que dans le CT. Cela demeure le cas par exemple en psychanalyse, où l’inconscient fonctionne essentiellement dans le mT, que ce soit dans le rêve, dans les lapsus ou dans les actes manqués. De façon correspondante, les faits du monde ne prennent guère leur sens que par des signes saisis dans le temps ordinaire, y compris les faits historiques que représentent les grandes philosophies. Et il en va de même en ce qui concerne la permanence la plus générale des objets.

Le mythe du Big Bang

Comment imaginer l’étonnement de l’enfant lorsqu’il se fait dire qu’il est sorti du ventre de sa mère? Et comment nous représenterons-nous nous-mêmes notre <sortie du ventre maternel>? Nos mythes des origines sont en cause en tenant compte de nos idées et de nos représentations actuelles.

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Remarque : Le mythe est, au sens des sciences humaines actuelles, une construction d’idées qui motive un groupe quant à sa légitimité et à sa compréhension de lui-même en plus de celle de la nature. C’est bien, entre autres, ce que fait pour nous notre science moderne.

En pensant à l’IP, on peut parler de la cosmogonie du Big Bang. L’INP nous amènera à parler plutôt d’une théogonie provisoire et adaptée à nos capacités idéomathématiques actuelles.

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Ce qu’il y a d’exact dans le modèle du Big Bang réside au moins en partie dans notre connaissance des pensées du jeune enfant juste avant son acquisition du langage. Et inversement, le modèle du Big Bang nous révèle ce qui se passe dans l’esprit de l’enfant au même moment.

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Remarques : Dans une autre sorte de mythologie, la mère pourrait expliquer par des gestes à son enfant, qui ne comprend pas encore le sens des mots, mais qui commence à comprendre ainsi qu’il provient du ventre de sa mère et même, peut-être, que cela implique son propre nombril, la marque de son origine. L’enfant aura ainsi une sorte de compréhension visuelle partielle de ses tout premiers débuts. Ainsi le modèle cosmologique du Big Bang, qui repose sur des modèles algébriques, correspond de façon cohérente au type de compréhension que l’enfant peut avoir avant d’être en mesure de se le faire expliquer en mots. Ce qu’il croit alors savoir n’est pas tout faux, mais ne constitue encore qu’une approximation plus ou moins cohérente.

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Il est frappant de retrouver cette forme d’erreur A-non-B au niveau de la référentialité historique globale de l’humanité lorsqu’il s’agit de comprendre certaines particularités paradoxales de la recherche scientifique encore courante en ce début de XXIe siècle. Considérons le schème de l’ « IP », l’interprétation pythagoricienne, selon laquelle les théories scientifiques de base sont exactes jusqu’à preuve du contraire. Ainsi par exemple, l’Univers aurait bel et bien commencé par le modèle cosmologique du Big Bang qui se trouve établi depuis l’observation en 1965 du fond diffus cosmologique. Or la logique de la découverte scientifique permettrait plutôt de dire seulement que, depuis 1965, la principale théorie rivale du Big Bang, la théorie de l’état stationnaire a été réfutée.

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Remarque : La théorie de l’état stationnaire défendue entre autres par Fred Hoyle, Thomas Gold, Hermann Bondi (années 1940 à 1960) et en accord avec l’expansion de l’Univers, mais contre l’idée alors jugée peu scientifique d’un commencement de l’Univers.

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D’autres modèles sont toujours en principe réellement possibles pour expliquer le même ensemble d’observations expérimentales. Le modèle du Big Bang a l’avantage d’être en accord avec les mathématiques actuellement connues. En l’occurrence, il n’est pas recevable comme explication des débuts de l’Univers du point de vue du modèle idéométrique de l’enfant. Le tableau suivant résume la situation. 

Enfant Humanité
Erreur « A-non-B »  Erreur de l’IP
Début de sa vie dont il croit se souvenir Modèle cosmologique (mythique) du Big Bang
Inhibition vers 12 mois de l’erreur « A-non-B » Inhibition de l’IP actuellement prédite par l’idéométrie et le Modèle de l’enfant
Connaissance acquise par le langage sur les débuts réels de sa vie Connaissance acquise par le modèle idéométrique de l’enfant sur les débuts réels de l’Univers
L’enfant en viendra à chercher derrière l’écran B. Les chercheurs en viendront à chercher d’autres théories de base idéomathématiques dans une perspective qui leur est encore cachée.

Idéotableau sur le caractère mythique du Big Bang

La recherche à venir supposera l’inhibition des habitudes de penser. Ce sera le passage de l’IP à l’INP. Si l’on tient compte de ce qu’on sait actuellement sur le développement intellectuel de l’enfant, il semble que ce type d’erreur se reproduira encore souvent dans le LT, cette notion restant mal maîtrisée encore longtemps. Ce sera notamment le cas du potentiel réel mais non encore effectif, ainsi qu’on l’explique ici.

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Remarque : L’état actuel de la recherche est résumé dans un article sur les fonctions exécutives (Encyclopaedia Universalis, Olivier Houdé, 2021) : « À l’âge préscolaire, des études ont documenté l’importance de la flexibilité. Dans des jeux de tris de cartes avec plusieurs dimensions, souvent les enfants comprennent les règles, mais sont incapables de s’ajuster aux changements de dimensions. Concernant l’inhibition, ce qui avait déjà été montré pour l’erreur A-non-B chez le bébé se retrouve, à l’âge préscolaire, dans des tâches piagétiennes plus logico-mathématiques (conservation du nombre, inclusion des classes). Dans ces tâches, jusqu’à sept ans environ, l’enfant échoue à inhiber ses réponses impulsives liées aux indices perceptifs saillants, alors que les connaissances logiques requises sont déjà maîtrisées. Aux mêmes âges, des psychologues ont démontré la difficulté de l’enfant à inhiber son propre point de vue, sa propre croyance (égocentrisme) dans des tâches de théorie de l’esprit – dont on sait aujourd’hui, grâce aux sciences cognitives, que certains principes sont déjà maîtrisés avant deux ans. Plus tard encore, à l’âge scolaire, la difficulté des enfants à inhiber des biais sémantiques de croyance dans des tâches de raisonnement logique (syllogismes) a été observée. … Ces difficultés persistantes de flexibilité ou d’inhibition cognitives, associées à des éléments saillants de perception ou en mémoire de travail, s’expliquent en partie par les contraintes cérébrales : la maturation lente du cortex préfrontal jusqu’à l’adolescence et la myélinisation en cours pour les axones longs, d’où une spécialisation fonctionnelle interactive tardive des F.E. [fonctions exécutives] préfrontales avec l’ensemble du cerveau (dans l’espace neuronal de travail global) ».

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En ce qui concerne le potentiel réel                                     

Il y aurait donc une évolution vers la permanence de l’objet compris dans et par le langage. L’objet est sensoriellement perçu par l’enfant. Il peut également être reconnu par l’enfant si on le nomme devant lui. Ensuite l’objet devient perçu en tant qu’objet visible que l’enfant peut toucher, saisir et manipuler. Enfin l’enfant comprend l’objet en devenant capable de le décrire et de comprendre le pourquoi de sa présence. Alors l’objet ne sera plus vu proprement comme permanent, ce qui est trop peu dire, mais comme réel et, plus précisément, comme phénoménalisé en tant que potentiel réel. Par correspondance, l’humanité aura d’abord déployé une science-recherche qui s’est imposée à elle jusqu’à aujourd’hui. Ensuite elle développera une compétence consistant à établir des tableaux idéométriques, de s’en inspirer et puis de se donner des programmes d’applications théorique pour le long terme dont elle pourra à nouveau s’inspirer. Cela supposera, en outre, que l’humanité sera capable de dépasser tout fétichisme de la pensée, c’est-à-dire tout blocage faussement scientifique qui a pour effet d’interrompre le développement de ses réelles potentialités.

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Remarques : Le fétichisme représente ici un obstacle épistémologique propre à la modernité. Cf. La Grande convergence.

Un simple mouvement de l’œil de l’enfant correspond à un début de recherche et, si l’œil cherche et trouve quelque chose, cela correspondra à une recherche fructueuse suivi d’une publication.

Ma recherche équivaut par idéocorrespondance à un mouvement rapide de l’œil suivi d’une impression de voir quelque chose d’inhabituel. Il se peut qu’une ou plusieurs déités attentives remarquent ce mouvement rapide de l’œil et qu’elles le trouvent inhabituel, comme si le <bébé> voulait dire quelque chose. Les mouvements saccadiques de l’oel, en particulier les saccades exploratoires, sont très rapides (120 ms). Ils ont des significations diverses. Par exemple, cela correspond, dans le mT, à ce que je fais dans le CT, des recherches produisant plusieurs publications.

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Les temporalités

On poursuit ici le processus de généralisation de la permanence de l’objet en s’interrogeant sur la « permanence » en son sens le plus général. Pour comprendre ce qu’elle représente pour l’enfant, mettons-la en rapport avec ce que son idéomorphie représentera pour l’humanité. 

Pour les psychologues, il y a sensation lorsque l’excitation est transmise par les fibres nerveuses sous forme de message jusqu’aux régions cérébrales où la conduite globale est régie. Par exemple, pour qu’une sensation visuelle se produise, un processus chimique dans les rétines déclenche un influx qui atteint des neurones situés dans le lobe occipital à l’arrière du cerveau. Par idéocorrespondance, le processus équivalent se situe au niveau des revues mathématiques qui déclenche l’inspiration des lecteurs chercheurs qui, à leur tour influencent, en grande partie de façon indirecte, les chercheurs d’autres disciplines « régionales », comme par exemple l’astrophysique ou la génétique au sein de l’ensemble des disciplines de recherche. Les deux sortes de processus correspondants se déroulent dans des paires de temporalités correspondantes, le mT dans le cas des neurones, le CT dans le cas des chercheurs, pour produire respectivement un effet de conscience dans le CT et un effet historique scientifique dans le LT suivant la séquence : mT =>> CT =>> LT.

Enfant Humanité
Influx nerveux entre les régions concernées du cerveau Publication dans des revues spécialisées
Temporalité rapide du processus (mT) Temporalité ordinaire du processus (CT)
Résultat : sensations et perceptions conscientes produites dans le temps ordinaire (CT) Résultat : observations et théories scientifiques établies dans l’histoire (LT)

Idéotableau : correspondance de la conscience et de la science dans leurs temporalités respectives

Ainsi que nous l’avons revu plus haut (cf. Rappel sur les temporalités), on ne peut réellement expliquer ce qui se passe dans le CT (court terme ou temporalité ordinaire de la conscience) à partir de ce qui se passe dans le mT (milli-terme ou temporalité rapide des influx interneuronaux) excepté par des procédés donnant des résultats dans le CT à partir de données concernant le mT, ce qui implique encore le paradoxe sorité. Et on ne peut pas non plus expliquer le LT (long terme de l’histoire) à partir du CT. On ne peut que le constater après coup suffisamment loin dans le futur (LT). 

Il existe aussi un seuil peu situable en deçà duquel la sensation n’est pas identifiée. On appelle « sensation subliminale » celle qui est produite par une excitation inférieure à ce seuil. Se produisent alors des modifications dans le cerveau sans que le sujet en soit conscient. De même, les faits courants ne prennent une portée historique que lorsqu’un seuil peu situable de notoriété et de reconnaissance est franchi. En deçà de ce seuil, les articles de revues sont dits trop peu visibles ou de trop peu d’impact pour être beaucoup citées par les chercheurs.

Quel est le seuil de passage de la sensation non ressentie à celle qui est hors de tout doute ressentie? L’intensité précise, qu’elle soit visuelle, sonore, olfactive, etc., ne peut être que l’effet d’une convention. De même, le seuil de notoriété médiatique ou de reconnaissance par les pairs ne peut être défini de façon précise en terme de nombre d’exemplaires vendus ou publicisés.

Enfant Humanité
« Sensation subliminale », non consciente « Fait courant » ou « fait divers », non de portée historique
Seuil de la sensation consciente Seuil de l’événement suffisamment notable ou reconnu

Idéotableau : <sensation subliminale> et <seuil de conscience>

Le « problème difficile » de la conscience

Le « problème difficile » de la conscience consiste à comprendre ce qu’est l’expérience subjective, c’est-à-dire le phénomène qualitatif de la conscience d’une chose ou d’être conscient, simplement à partir de ce qu’on sait du cerveau, des neurones et des influx nerveux. Ce type d’expérience est évidemment tout ce qu’il y a de plus courant pour chacun. Cela commence dès l’éveil le matin pour ne se terminer qu’au sommeil du soir et de la nuit.

Source principale : David J. Chalmers. The Conscious Mind. The Search of a Fundamental Theory, Oxford University Press, 1997.

Le passage de la sensation inconsciente ou peu consciente à la perception pleinement consciente, serait dû ou occasionné par le changement de temporalités des phénomènes observés. Il en va de même dans le cas du fait historique. Il faut que l’événement considéré soit suffisamment médiatisé ou, dans les cas les plus conséquent pour la recherche, médiatisé d’une certaine façon au moyen de revues ou d’éditions scientifiques suffisamment reconnues. Or comment décide-t-on du degré de reconnaissance nécessaire? Il faut encore par exemple un certain consensus par un suffisamment grand nombre d’experts suffisamment reconnus. On n’en sort pas.

 

Enfant Humanité
Conscience Recherche scientifique
Neurones ou réseaux de connexions neuronales suffisamment nombreux ou suffisamment bien distribués et dynamiques pour qu’il y ait conscience Spécialistes ou réseaux de spécialistes suffisamment qualifiés ou suffisamment nombreux pour que se fasse un consensus permettant d’établir un statut scientifique
Le problème difficile de la conscience déjà remarqué au XVIIe siècle (I. Newton, J. Locke…) et explicité depuis peu Le vieux problème non résolu posé par l’existence de la science elle-même ou problème de l’établissement des critères de la science

Idéotableau : Deux problèmes difficiles et encore non résolus

La conscience en progrès de l’enfant (2ème partie)